« Un morceau de tissu devient « voile », celui-ci devient islamique et ce voile islamique devient l’attribut essentiel des femmes qui le portent qui deviennent “femmes voilées” … Il faut que les regards aient été conditionnés par des paroles multiples, insistantes et autorisées…. Nous est indiqué où nous devons regarder mais aussi ce que nous devons y voir : aliénation, fanatisme, patriarcat, oppression, violence. (123) [Cela est vrai comme mécanisme, mais pas comme production – pourquoi il y a « mécanisme », si ce n’est strictement l’acceptation d’une manipulation malveillante et volontaire.]
« La tache à accomplir est donc un travail interne, visant à déconstruire une culture dominante fondamentalement raciste et à construire une contre-culture authentiquement antiraciste. » (125). [Passe totalement à côté de l’objectivité de la construction raciale dans le MPC]
Page 146 (postface de Bouamama) : « le racisme édifice conceptuel exprimant une conception du monde … une série d’opérations sur des différences réelles ou supposées : différenciation, péjoration, réduction et essentialisation » [c’est le comment pas le pourquoi de l’existence de ces opérations]
Une approche objective part du fait que les mécanismes de production et de reproduction relevant des catégories du capital se combinent de façon historiquement mouvante pour construire des différences hiérarchiques définissant des cultures et des populations surdéterminant toutes les modalités d’appropriation du surtravail dans la mesure où ces différenciations hiérarchiques sont le fait des catégories concourant à cette appropriation (le bouclage des causalités est très important car cela explique pourquoi ces catégories peuvent avoir ces effets). Du fait des catégories en jeu et de la définition même du mode de production capitaliste, la segmentation de la force de travail (c’est-à-dire de la classe ouvrière) devient la segmentation raciale première qui fait apparaître ou disparaître l’infériorisation raciale affectant d’autres catégories sociales d’origine ou de culture identiques, cela peut même aller jusqu’à dispenser de la stigmatisation certaines fraction des classes sociales de même origine ou de même culture. Est racisé d’abord (en premier et logiquement) celui qui est exploité. Le « pouvoir matériel » (Guillaumin 298) est déjà tout plein (il est gros) des « références symboliques : universalité du MPC et historicisation hiérarchique.
Si on produit les choses ainsi, c’est, de fait, une critique et une évacuation de la vision communautariste et interclassiste de la racisation ; Pour que cette dernière le devienne (communautariste et interclassiste) il faut un autre travail appliqué sur les mécanismes de la segmentation raciale.
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Le passage à l’Islam : 145 (« Le choc des civilisations » 1996) ; il faut partir à la manière de Sartre du regard du raciste qui doit se définir avec inquiétude comme républicain, universel et progressiste (c’est le problème présent de la racialisation la norme ne peut plus demeurée un non dit). 123. 148 (mais l’explication annoncée est absente) : « Nous ne sommes pas seulement en présence d’un “passé qui ne passe pas” ou d’un “transfert de mémoire” : il s’agit plutôt d’une revivification active des représentations du passé, à des fins contemporaines. C’est à mon sens un des éléments du passage, au cours des années 1980, du racisme anti-arabe à l’islamophobie. » [Quelles fins contemporaines ?, Pourquoi le passage ?]
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Egalité / différence : 18. 38 – 39. 40−41−42.
« Pour résumer, le racisme est, sur le plan logique et idéologique, une conception particulière de l’égalité et de la différence, une manière d’articuler ensemble ces deux concepts sur un mode particulier : celui de l’opposition radicale. Pour le dire plus simplement encore, le racisme est sur le plan conceptuel l’incapacité de penser ensemble l’égalité et la différence. » (17−18) [C’est exact les deux notions sont incompatibles, elles sont à rejeter toutes les deux –surtout si on les pense dans une connexion – la différence est nécessairement hiérarchique (cf. ma critique de Convergence). Dans « l’Ennemi principal » Delphy dit un truc comme ça.]
Tevanian est bien conscient du problème posé par la notion de « différence » en relation avec « égalité ». Il reprend la critique de Guillaumin (les théoriciennes féministes sont très suspicieuses sur la notion de différence) : « la notion de différence est souvent construite socialement comme un instrument inégalitaire » il y a toujours une norme, un universel. (38−39). [La différence est toujours construite socialement comme un marqueur d’infériorité comme un stigmate (40), Tevanian dit alors que les « différences sont converties en inégalités » (40). C’est faux les différences sont choisies, construites comme inégalités et non pas « converties ».] Dans sa conclusion humaniste (41−42) Tev n’a rien compris aux différences et à leur production. [Le problème n’est pas dans la différence mais dans la notion d’égalité. Il faut dépasser l’égalité dans la singularité ; sans cela le couple infernal égalité / différence est toujours hiérarchie.]
En relation avec la rubrique suivante.
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L’injonction impossible à l’intégration : 25. 30. 80–81. 126. 127. 155
Tout ce qui est dit par la suite est entièrement juste à condition de bien poser que c’est une conjoncture historique particulière qui construit le marché de dupes de la problématique de l’intégration (blocage économique, bascule culturelle, décomposition identité ouvrière…)
Lorsqu’un groupe dominé revendique l’égalité on lui reproche de ne pas assumer sa différence (25)
Mais simultanément : au nom du « chauvinisme de l’universel » (Bourdieu) ou du « communautarisme majoritaire » (Delphy et Tissot) il y a prohibition de la différence et inégalité de droits entre celui ou celle qui se conforme aux normes majoritaires et qui peut ostensiblement exprimer son identité et celui ou celle qui s’en écarte, condamné(e) à la discrétion et aux « efforts d’intégration » (29−30).
« L’acte posé par le corps d’exception est relégué au rang de comportement, sa valeur politique disparait au profit d’une valeur simplement symptomatique. Le discours qui accompagne l’action politique (la marche, la grève, l’émeute) est littéralement vidé de son sens au profit d’un sens caché qui lui est attribué de l’extérieur par les agents institués de l’exégèse légitime : les experts – étant entendu que face à un corps d’exception n’importe quel citoyen ordinaire est autorisé à se poser en expert. Invariablement, on répond aux manifestants qu’on les a entendus, mais on ajoute aussitôt que ce qu’il y a à entendre, ce n’est pas ce qu’ils ont dit. Leur parole est renvoyée toujours à quelque chose de plus profond qui relève de la souffrance, de l’inquiétude, du désarroi, et c’est ainsi qu’à la place de l’égalité revendiquée, les corps d’exception ne se voient proposer que de la compassion, de la générosité et l’octroi d’une place un peu meilleure – mais dans une structure toujours inégalitaire. Ce marché de dupes porte un nom : intégration (souligné par nous) ». (80)
« La thématique de l’intégration remplit une fonction principale : l’évitement de la question égalitaire [il faudrait peut être mieux dire que « l’égalité » est subordonnée à « l’intégration », là on est en plein dans le marché de dupes]. (…) être intégré, être inclus et avoir une place valent sans doute mieux que d’être exclu, mais cela ne dit pas de quelle place il s’agit. (…) Face à l’émergence d’un mouvement auto-organisé des “jeunes issus de l’immigration”, dans la foulée de la Marche pour l’égalité de 1983 et de Convergence 84, qui revendiquaient des droits (notamment le droit de vote pour les parents, l’abrogation de la double peine, le droit à l’emploi, le droit à la vie et la fin de l’immunité policière), le gouvernement socialiste a répondu immédiatement en termes d’intégration (et de la lutte contre l’exclusion) et non en termes d’égalité (et de lutte contre la discrimination). De cette histoire nous ne sommes pas vraiment sortis en 2017 » (81)
[L’intégration : une double injonction de choisir entre deux dimensions inséparables : en refoulant leur différence au nom de l’égalité (injonction assimilationniste) ; en renonçant à l’égalité au nom de leur différence (injonction différentialiste). Le « voile » a été un cas typique de cette double injonction se jouant sur l’appropriation des femmes (ce qui demeure à expliquer). (126)]
[Le refus des places assignées se manifeste à la fois dans des réactions « banales » quotidiennes et dans des formes d’actions collectives, il se confronte toujours pour l’accepter ou le rejeter au paradigme intégrationniste dans un marché de dupes] (155)
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Le combat pour le droit d’être « comme l’on est » (voir p.22 du texte Kaléidoscope à la suite des remarques de Patrice) : 28. 30. 73. 154. 158.
« L’élément essentiel dans le droit à la différence n’est pas la différence mais le droit : assumer et afficher ostensiblement sa différence ou ne pas l’afficher. » (28)
« … il y a prohibition de la différence et inégalité de droits entre celui ou celle qui se conforme aux normes majoritaires et qui peut ostensiblement exprimer son identité et celui ou celle qui s’en écarte, condamné(e) à la discrétion et aux « efforts d’intégration « (30)
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La fin de « l’immigritude » : « Ces enfants arrivent dans la décennie 1980 sur les marchés sociaux (du travail, du logement, des loisirs) et sont confrontés aux mêmes discriminations que leurs parents alors qu’ils se savent, se vivent et se perçoivent comme français. C’est cette mutation sociologique qui fait éclater l’intériorisation de l’assignation à des places subalternes, et suscite spontanément une exigence de visibilité, c’est-à-dire d’égalité. (…) Depuis les années 1980, la mutation sociologique dans le rapport à la visibilité s’est traduite dans une recherche de canaux d’expression politiques (…) ce qui s’exprime à travers ces collectifs est un passage au politique par la visibilisation de conditions et de revendications jusque-là invisibilisées. » (154) [c’est le moment des Marches, du blocage et de la bascule.
Le refus des places assignées devient toujours, pour le « communautarisme majoritaire », « revendication de différences » et donc justifie en retour la place assignée et l’injonction à l’intégration. (158)
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La « crise » n’est pas une explication suffisante : 79.
« Quant à la thèse du repli en temps de crise, elle laisse inexpliquée d’une part la permanence de logique discriminatoire durant les périodes de croissance et de plein-emploi, d’autre part la focalisation du rejet en temps de crise sur certains corps étrangers plutôt que d’autres – par exemple les immigrés postcoloniaux et leurs enfants français, davantage que certains nouveaux arrivants polonais ou yougoslaves. » (79)
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Définition racisme : 46. 47 (racisme institutionnel)
Racisme : combinaison de plusieurs opérations : différenciation, péjoration de la différence, réduction de l’individu à son stigmate, essentialisation et enfin légitimation d’une inégalité de traitement par l’infériorité ou la dangerosité des racisés. Donc pas de « racisme antiblanc » à cause du dernier point ; de plus l’essentialisation est très faible vis-à-vis des blancs. Le racisme n’est pas une simple hostilité, un déni de droit. Des lois d’exception (voile), des juridictions d’exception (émeutiers, principe de la double peine). (47)
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La translation du colonial : 48. 148.
Voir aussi passage à l’islam
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Différence entre antisémitisme et racisme anti-africain : 49
Dans l’antisémitisme qu’analyse Sartre, racisme, antidémocratisme et anti-droit-de-l’hommisme marchent main dans la main. Or c’est sur ce point justement que le racisme antinoir, antiarabe et antimusulman se distingue, il se légitime dans ces valeurs mêmes que vilipendait l’antisémitisme.
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L’accusation de non-mixité et de communautarisme devenant l’alibi du racisme universaliste : 50 – 51 (voir aussi la rubrique « Les amis de Juliette »)
Le racisme actuel nationalise le progressisme, le féminisme, la laïcité, et même l’antiracisme. « Nous sommes la race supérieure des hommes qui ne croient pas aux races, tandis que les Noirs et le Arabes qui eux parlent de race, se pensent et se disent Noirs ou Arabes constituent la race des racistes et dons la race inférieure. »
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Aimé Césaire et la non-mixité : 70
Lettre à Maurice Thorez 1956.
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Mon texte frise parfois le « corps infirme » : 73 (passer de la « victime » à l’action)
Ce ne sont pas des handicaps mais des discriminations avec leurs réactions contre.
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SOS racisme et les Marches : 74 (la critique classique du paternalisme et de la protection). 81 (la réponse en termes d’intégration, voir plus haut). 88 – 89. 92
La Marche et la bascule : « Les enfants ne sont considérés que comme une deuxième génération d’immigrés au sens strict, c’est-à-dire comme une force de travail destinée à prendre silencieusement la relève de la génération précédente – et certainement pas comme des citoyens ayant vocation à investir l’espace public » (88) [justement c’est ce qui ne fonctionne plus].
En liaison avec la problématique de l’intégration qui se constitue dans sa double injonction dans la conjoncture du début des années 1980 qui fait des Marches un acte « insupportable » d’affirmation et de visibilité.
« Le Premier ministre Laurent Fabius concède dès 1984 que le Front National “pose de bonnes questions”, le président François Mitterrand déclare en 1989 que “le seuil de tolérance est dépassé”, son prédécesseur Valéry Giscard d’Estaing parle en 1991 d’ “invasion”, tandis que le chef de l’opposition de droite, Jacques Chirac évoque une “overdose d’immigrés”. » (89) [Sans oublier les déclarations de Mauroy, Deferre et Auroux durant les grèves de l’automobile.]
« L’intolérance et la haine n’adviennent en fait que dans des situations spécifiques, lorsque le racisme rencontre son Autre : l’affirmation de l’égalité. » (92). [C’est juste mais le racisme est ici présupposé, c’est-à-dire « l’ordre inégalitaire »].
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La critique « radicale » du « réformisme particulariste » de l’immigré : 71.
Discours condescendants sur l’aliénation religieuse ou télévisuelle et consumériste des jeunes de banlieue et sur l’absence de conscience politique. Discours sur le manque de radicalité ou de potentiel subversif des luttes spécifiques menées par les groupes militants « issus de l’immigration et des banlieues », qui se cantonnent dans la lutte contre la discrimination à l’embauche alors qu’il faudrait abolir le travail salarié, dans la lutte contre la double peine alors qu’il faudrait abolir la prison, et dans la lutte contre les crimes policiers et leur impunité alors que c’est la police qu’il faut supprimer.
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Les meurtres de l’été 73 : 86.
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La dénégation : 99. 107. 127. 128.
L’article de foi de la dénégation : je ne suis pas un Blanc, nous somme tous des êtres humains (des ouvriers), les races n’existent pas : vrai abstraitement, concrètement faux. (99). [C’est alors le racisé qui dit « les races ça existe, je suis bien placé pour le savoir » qui devient raciste, confortant par contrecoup l’universaliste (Blanc) dans sa conscience d’antiraciste universel]
Les races n’existent pas comme réalité biologique, elles existent bel et bien comme construction sociale dans l’objectivité des catégories du mode de production capitaliste et dans leur vécu idéologique, une fois cette « évidence » posée, ce qui demeure c’est que précisément toute l’existence humaine est une existence sociale.
Le problème de la dénégation c’est le malaise devant les petites différences qui font de petits (ou de grands) privilèges.
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Mixité : non-mixité (Delphy) : 110
La mixité n’est pas en elle-même un bien. La mixité choisie constitue un objectif pour les dominé(e)s, le chemin qui y même passe nécessairement par des moments de non-mixité choisie.
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La focalisation sur la culture (en relation avec passage à l’islam) doit, elle-même, être expliquée, elle ne va pas de soi de par le simple effacement du travail : 133 – 134. Cet allant de soi est un peu le travers du « Kaléidoscope ».
Le foulard : « Lorsque l’ordre social et symbolique inégalitaire demeure incontesté, le racisé demeure invisible et peut même bénéficier d’une certaine forme de sympathie, en tant que loyal serviteur.
« Le déchaînement permanent de violence et de furie prohibitionniste contre les filles et femmes voilées ; par exemple, ne marque pas l’émergence d’un nouveau racisme (différent de Hajjat, Islamophobie, éd. La Découverte) : il constitue la forme réactive et exacerbée qu’a prise un racisme très ancien au moment où les racisés l’ont mis en crise. La haine qui s’est abattue depuis 2003 sur ces femmes peut en effet être comprise comme une réaction de panique qui s’est emparée de l’ordre social et symbolique raciste face à l’émergence d’une génération de jeunes musulmanes sûres d’elles-mêmes, de leur choix et de leur bon droit, face à leur insertion dans le paysage français et face à leur accession progressive à des espaces sociaux (l’école, l’université, les emplois qualifiés et le monde associatif et politique) qui leur étaient jusqu’alors interdits par les lois non écrites de la bienséance républicaine. En d’autres termes, si les filles voilées n’ont pas été confrontées à une telle haine au cours des décennies précédentes, ce n’est pas parce que le racisme anti arabe, antinoir et antimusulman n’existant pas mais bien au contraire parce qu’il était beaucoup plus fort et incontesté : les femmes voilées étaient pour l’essentiel des mères au foyer ou des femmes de ménage, invisibles socialement, et la pression sociale intégrationniste dissuadait de toute façon les autres d’user de leur droit de porter le voile à l’école et au travail. Les lois de prohibition et les campagnes de dénigrement n’étaient pas à l’ordre du jour pour la simple raison que, sauf exception, les femmes voilées n’accédaient de toute façon pas à l’école et à l’université, ni au marché de l’emploi. (…) La loi antifoulard du 15 mars 2004 doit en somme être considérée à la fois comme un recul grave sur le plan juridique et comme un signe plus positif d’un point de vue sociologique, dans la mesure où elle révèle, en s’y opposant, un progrès de l’égalité sociale. » (132−133)
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La bascule des années 1980 : 137.
« De 1975 à 1990, 40% des postes de travail occupés par les étrangers dans l’industrie ont été supprimés, et que, de 1980 à 1984, le chômage a augmenté de 5% pour les Français tandis qu’il augmentait de 18% pour les étrangers. » (137)